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Cavaillon

 

 

L’autre jour, je suis retournée dans ma ville, Cavaillon.

En fait, dès que j’arrive à Orgon, cinq kilomètres avant, longeant la porte des Alpilles, déjà je me sens "chez moi".

À ma droite, ma Durance, un peu plus loin, mon Luberon, en face, ma colline, la colline St-Jacques contre laquelle s’adosse la cité qui m’a vue naitre. Tout au fond, Le Ventoux.
Mon cœur s’accélère, c’est idiot.

Ce sont mes racines d’où on m’a extraite quand j’eus quatorze ans.

Chaque fois que je me trouve à cet endroit précis, je me demande si la colline St Jacques fait partie du Luberon ou bien des Alpilles. Problème géologique qui ne cesse de m’interpeller. À mon avis et contrairement à ce que j’ai lu dans un article, c’est un bout des Alpilles : même hauteur, même roche, même configuration. La Durance a dû creuser il y a des millions d’années cette vallée mais sûrement les deux devaient constituer un seul et même massif. Il faut absolument que je me renseigne.

Encore quelques petits kilomètres, et je suis sur cet entrelacs de routes qui ne s’arrêtent pas, un affreux échangeur sur ma rivière qui, évidemment, n’existait pas de mon temps.

De mon temps - ce devait être aux alentours de 1960 - il y avait un pont-suspendu, gris métal. Je l’ai vu détruire pour mettre à la place un horrible pont vert, toujours existant.

Je rêve beaucoup la nuit mais ne me souviens jamais de mes rêves, sauf deux.

Des paysages.

L'un d'eux : je me trouvais à l’orée de cette ville, la Durance était une mer ou un vaste lac qui venait lécher les parois de la colline. Je glissais en barque sur l’eau, voguais place du Clos, contournais Cavaillon. Un simple flash mais féérique.

Chaque fois que j’y retourne, je SUIS sur cette mer.

Chaque fois que j’y retourne, c'est-à-dire plusieurs fois par an, je refais le même circuit, l’un en voiture : l’Avenue de la gare avec son théâtre où j’ai habité, la rue de la Petite Vitesse où je suis née, le Rond-Point cœur de la ville, je longe le cours ; au bout, tout droit, puis à gauche au pied de la falaise je rejoins le Clos, m’arrête quelques secondes devant l’Arc de triomphe romain d’où part l’escalier qui mène à l’ermitage tout là-haut, je passe devant mon jardin public qui me paraissait si grand quand j’allais y jouer au sable, enfant, mais qui est en fait tout petit avec ses bordures odorantes de buis, je jette un coup d’œil à droite sur le Cagnard, je tourne à gauche vers le Cours Bournissac qui offre ses somptueuses façades.

J'abandonne la voiture.

Je pars à pied dans la vieille ville à la recherche de mes souvenirs si présents.

Peu de choses ont changé en fait.

Je vais à ma maternelle qui est restée telle quelle avec son petit portail où je m’étais accrochée si fort en pleurant le premier jour où je suis allée à l’école, qui se situe sur un cours absolument magnifique, bordé de façades du 18è, dont le passage Vidau qui relie cette place au Cours Bournissac. C’est sur ce site qu’avaient lieu les soirs d’été les kermesses de l' école et du patronage, avec lampions et costumes somptueux créés par les mamans qui, à cette époque-là, savaient encore coudre et concevoir du beau.

Je longe le quartier médiéval constitué d’arcades qui abritaient en ce temps-là des échoppes et des boutiques, et notamment à côté de l’église, la Collégiale St Véran où je fus baptisée, je m’arrête pour l’admirer le magasin « du catéchisme », qui vendait missels, croix et icônes, fermé aujourd’hui mais ayant gardé (pour combien de temps encore ?) sa belle façade en boiserie 19è.

Je rêve d’y ouvrir une boutique de vieilleries.

Car comme dit cette vieille chanson dans " Mignon  " : " C’est là que je voudrais vivre ! "

Je tire jusqu’à l’école élémentaire Castil Blaze, là aussi une série d’arcades où se trouvait la droguerie où nous achetions cahiers, plumes Sergent Major et toutes sortes de bonbons. Comment s’appelaient-elles déjà, toutes ces friandises ? Il y avait le serpentin de réglisse et puis une espèce de chose en forme de soucoupe volante en pâte d’hostie qu’on trouait avec une petite paille pour aspirer son contenu. Et aussi un énorme bonbon friable, fondant, coloré dehors et blanc dedans, et les Cars bien sûr dans leur petite boite blanche avec des points noirs en forme de domino, et les bâtons en bois de réglisse.

Oh ! Et les buvards ! Ces beaux buvards de couleur, objets de toutes nos attentions !

Quand je commençais un nouveau cahier, je mettais bien sûr une plume neuve à mon porte-plume, épongeais avec un buvard tout neuf et m’appliquais en tirant la langue sur quelques pages et pour quelques jours…

 

Quelques jours ont passé… pendant soixante ans.

Mais le souvenir est intact.

Le regret aussi.

 

 



10/01/2016
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