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Ma mère -saison 3 - "L'air des bijoux"

 

 

Première vocalise :

En bonne courtisane qu’elle était, ma mère adorait les bijoux, pierres précieuses, or et diamants. Moi, je n’avais jamais une paire de chaussures à ma pointure, toujours deux au-dessus car j’allais grandir, n’est ce pas ? Moi, je n’avais qu’une robe par an mais ne vous inquiétez pas, elle, elle était enguirlandée de bagues et de bracelets comme un arbre de Noël, une vraie parvenue. Un jour, sommes allées à Gênes voir de la famille et sommes descendues toutes les deux à l’hôtel. De retour en France, elle ne retrouvait plus sa bague, une grosse améthyste bien ostentatoire, et se souvint s’être lavé les mains après l’avoir déposée sur le rebord du lavabo. Elle téléphona donc à l’hôtel et demanda à la patronne si elle avait retrouvé sa bague. L’autre lui répondit par la négative. Ma mère entra alors en fureur, la traita de tous les noms et notamment de voleuse et la menaça de porter plainte, puis lui raccrocha au nez.

Quelques temps plus tard, elle retrouva sa bague dans un sac. La moindre des choses eut été de s’excuser auprès de cette personne qu’elle avait si copieusement insultée, non ?

Que croyez vous qu’elle fît ?

Rien.

Deuxième vocalise :

Une autre fois, elle sortit comme une folle dans la rue en hurlant : « Mes bijoux, mes bijoux, au voleur ! ». C’est mon ami Guy Monnier qui me raconta la scène car c’était son voisin. Elle lui raconta avec force détails qu’elle avait caché ses bijoux à tel endroit, et que des ouvriers venus effectuer quelques menus travaux dans la maison, les lui avaient volés.

Quelques temps après elle retrouva ses putains de bijoux dans le chauffage d’appoint derrière la bouteille de gaz.

Troisième vocalise :

Quand je divorçai de mon mari, mes parents allèrent dans notre appartement en notre absence enlever quelques cartons que j'avais préparés contenant mes affaires. Elle se permit de fouiller dans les tiroirs et ne put s'empêcher de voler nos deux alliances en or. Une pie voleuse. Alertée, je les récupérai et les rendis à mon ex qui les avait quand même achetées.

Envolée dans l'aigu :

Eté 1968, un dimanche à la maison. Après le repas, soudain, elle dit à mon père tout à fait hors de propos :

-        «  Qu’as-tu fait de ta belle montre en or ?

-        Elle doit être rangée quelque part.

-        Non, non, je suis sûre que tu en as fait bêtement cadeau au chauffeur du camion.

-        Tiens, et pourquoi lui aurais-je donné cette montre ?

-        Parce que tu es un imbécile.

-        Je te remercie bien, mais c’est tout à fait inexact. Je lui ai offert, en remerciement d’un service qu’il m’a rendu, la montre que je mets pour travailler et qui lui plaisait bien.

-        Tu mens comme tu respires, espèce de bâtard ».

Il y a des mots qui tuent. D’une part, on ne traite pas son époux d’imbécile, d’autre part, mon père était effectivement un enfant naturel, et à l’époque ce n’était pas facile à assumer.

Ma soeur et moi, témoins de la scène, intervînmes en faveur de notre père, bien poliment, bien gentiment comme on nous avait appris, et avec le sourire.

-        « Maman, tu te trompes, on a bien vu que papa lui a donné une montre de quatre sous ».

On osait la contredire ? Crime de lèse-majesté, on est reine-mère ou on ne l’est pas ! Folle de rage, elle alla s’enfermer avec mon père dans leur chambre, et on l’entendit gueuler pendant vingt minutes, et au bout :

-        « Ou ce sont elles qui partent, ou c’est moi ! ».
J’avais quatorze ans.

Effectivement quelques semaines après, je demandai à aller en internat à Aix. Je n’ai plus jamais voulu retourner vivre auprès d’elle.

 

Contre-ut:

Elle revenait d’un voyage à Gênes avec sa gosse de cinq ans, ma sœur Dédoune. Elle y était allée pour acheter des bracelets en or pour une copine et pour elle-même car l’or est moins cher en Italie. A la douane, elle fut contrôlée. Ma sœur comprit bien, malgré son jeune âge, que ma mère « négociait un arrangement à l’amiable ». Sous l’œil goguenard de ses collègues, le douanier et elle allèrent dans un bureau laissant la petite fille toute seule dans la salle d’attente. Angoissée, la petite attendit tant qu’elle le put mais elle avait peur de ne plus revoir sa maman, alors elle poussa la porte… et en même temps qu’elle vit une scène qu’elle n’aurait jamais dû voir, elle entendit le contre-ut final.

 

 

 



30/10/2015
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