mona-ma-muse

mona-ma-muse

Carnets de voyages 3 : L'île

 

Elle a dit adieu à Occhiatana.

Elle a quitté la Corse au bout d’une semaine, qui aurait dû être une semaine de rêve, exténuée de trop de travail et dégoûtée du comportement du groupe.

Elle hait les groupes.

 

Elle était arrivée une semaine plus tôt, les caisses chargées de victuailles et de gâteaux qu’elle avait préalablement confectionnés. Et de la levure fraîche, beaucoup de levure pour faire quotidiennement à ses amis, invités comme elle, un pain meilleur que celui qui arrivait, déjà tout desséché et à prix d’or, à l’épicerie du village.

 

Elle savait, puisque cela durait depuis des années, que tous compteraient sur elle pour être nourris royalement par ses petits plats et ses desserts. Pour être servis à table aussi. Deux fois par jour. Tous les jours. Elle avait passé dans la cuisine l’intégralité de ses journées à tout prévoir, à les gâter. Une année, ils avaient été dix-huit. Là, heureusement, ils n’étaient que neuf. Certains soirs où leur hôte invitait le voisinage, ils étaient treize. Elle leur avait même préparé un pique-nique à l’occasion de leur journée de randonnée afin qu’ils ne dépensent pas leur argent au restaurant. Egalement pour la traversée en bateau.

 

Les années précédentes, elle avait été offusquée que seul leur hôte prît financièrement en charge tout ce petit monde, en emportant du continent des tonnes de nourriture achetée en gros à Métro. Avant de partir, elle le lui avait dit. Ils ne furent donc que deux à assumer tous les frais, elle et lui. Personne ne demanda à participer, à donner son écot. A part l’un d’eux, ils n’étaient pourtant pas dans le besoin. Un matin, elle entendit l’une des personnes, professeur, dire que non, elle ne viendrait pas au supermarché faire des courses, car elle n’avait pas d’argent. Cette même personne alla, ce même après-midi, chez l’artisan du coin acheter des poteries.

Elle s’en foutait de dépenser de l’argent pour les autres, car son âme était celle d’une mère. Mais il lui insupportait, par principe, que nul ne se souciât de rien et laissât aux autres le soin d'assumer leur propre charge. C’était inconvenant.

Une autre année, elle avait été la seule à acheter en ville un cadeau pour leur hôte à la fin de leur séjour. Personne n’y avait pensé, personne n’y avait participé. Etait-ce elle qui était dingue, ou trop, trop, trop...  ?

 

Son seul plaisir avait été d’aller, pendant une heure, prendre son bain quotidien dans cette eau turquoise que vous offre l’île. En fuyant sans rien dire, afin que nul du groupe ne vienne s’agglutiner à elle. Car en outre, toute la journée, elle entendait leur brouhaha, leur jacasserie, leur bruit. Toute la journée, telle une mouche sans cesse bourdonnante, une autre invitée, qu’elle connaissait depuis des années, ne s’étant pas améliorée avec l’âge se comportait, à cinquante-deux ans, comme une gosse de huit ans particulièrement turbulente et stupide, perpétuellement pendue aux basques de l’un ou de l’autre. Sous prétexte qu'elle était réveillée à six heures du matin, elle criait à travers la maison, sans se soucier de réveiller ainsi tout le monde.

 

Un jour, elle explosa devant tant d’inepties et de vacarme générés par cette vieille adolescente, à laquelle elle demanda se s’interroger sur l’opportunité de faire du bruit avec sa bouche, quand ce qu’on avait à dire était moins important que le silence. L’ado en question lui répondit qu’elle avait besoin de parler tout le temps. Elle lui demanda alors, le principe de communauté ayant des règles de convenance, de s’interroger non pas sur ce qui était son besoin à elle, mais celui du groupe.

Elle se fit alors traiter de caractère de chien alors qu'elle était toujours d'humeur égale, et de dirigiste, elle qui, de sa vie, n'avait jamais rien exigé de personne.

 

Elle rêve.
D’une île.

Une île déserte.



03/09/2016
2 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Ces blogs de Littérature & Poésie pourraient vous intéresser