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De ci de là


 

Quand  je l’ai au téléphone, j’entends immanquablement : Ah ! Ah ! Ah ! Alors on rit ensemble un petit moment, le plaisir de nous retrouver sans doute. Comme il est toujours par monts et par vaux, je lui dis ou je laisse le message sur son répondeur : « T’es où ? - formule consacrée depuis que nous utilisons des téléphones portables -. Tu sais que je ne SUPPORTE pas de ne pas savoir où tu te trouves ! ».

Descendant officiel de Pascal Paoli, il part chaque année à Londres pour le discours en la cathédrale de Westminter ! Bernard invite régulièrement tous ses amis à Occhiatana, dans sa maison familiale en Corse, son manoir, son château hanté. Il loge et nourrit tout le monde. Là-bas, c’est notre cour de récré, réunion de chanteurs, ça vocalise dans tous les coins. Tous les matins, alors que nous sommes déjà attablés sur la belle  terrasse ancienne  sous les eucalyptus autour du café, il nous apparait très haut à la fenêtre de sa chambre complètement hagard et la voix dans les talons, étonné qu’il fasse jour, lui qui est encore en plein milieu de sa nuit. Flashes d’appareils-photos tous azimuts : c’est son entrée en scène pour la journée qui s’annonce. Dans son décor.

Toujours à l’écoute (quand il ne parle pas bien sûr…), ne manquant jamais de demander des nouvelles de mes trois hommes, toujours présent quand on lui demande un service. D’ailleurs n’est-il pas titulaire de la médaille du dévouement universel ?

Voyez-vous ce qu’est un feu follet ? Un diable monté sur ressort ? Bernard William, c’est l’Arlequin de la Commedia dell’arte, volubile, espiègle et facétieux. Ce garçon devrait souffrir de la langue tant il parle, ce n’est pas croyable ! Dans la vie courante, il occupe la scène en permanence. Il ne le fait pas intentionnellement, il EST. Mais personne ne s’en plaint d’une part parce qu’il a tous les talents l’animal : il chante, danse, fait des claquettes, il joue la comédie, du piano, écrit, monte de grands spectacles, les met en scène, et fait du cinéma ; d’autre part parce que c’est la gentillesse, la générosité et la civilité mêmes. Un être exquis, voilà. L’homme le plus heureux qui soit, jouissant de sa liberté et ne vivant que pour son art et ses amis.

Donc, tous les deux ans, il invite sa bande dans son manoir hanté en Corse. « Hanté » il n’en démord pas. C’était il y a une dizaine d’années, il faisait canicule bien que ce fût en septembre et à six heures du matin. Je m’installai sous les eucalyptus. Je le vis surgir complètement affolé, en caleçon et hirsute :

comme la lumière du jardin avait pénétré dans sa chambre au-dessus, il pensait que des cambrioleurs s’étaient introduits dans la propriété. Il est tombé comme un chien en arrêt me voyant tranquillement installée en train de siroter mon café. Ah, mais c’est que c’était mon heure habituelle lui dis-je ! Lui était évidemment au mitan de sa nuit et alla donc se recoucher. Depuis il me raconte qu’allongé dans son lit il vit passer une ombre qu’il crut être celle de notre ami Jean-Paul dormant dans une chambre contiguë à la sienne et allant aux toilettes… sauf qu’il ne le vit jamais revenir ! « Tu auras rêvé » lui dis-je chaque fois. Non non, il ne dormait pas. Point final. D’ailleurs dans le passé, ah ! S’il racontait… Et il se met à chanter la chanson de Mireille :

« C’est un vieux château du moyen-âge

    Avec un fantôme à chaque étage… ».

Je le considérais jusqu’à ce jour comme « mon petit frère », bien qu’il ait sept ans de plus que moi. Eh non ça allait bien au-delà à mon insu… Il y a peu, je l’informai que je ne pourrai pas aller chez lui passer la journée comme prévu afin de lui monter un dossier, car mon fils arrivait que je n’avais pas vu depuis trois mois. Et que m’a-t-il répondu, ce grand intelligent ?

« Mais moi aussi je suis ton petit… », avec une voix de petiton. Ah, c’est un bon, encore un qui a tout compris! Craquant ! Et craqué.

Il nous est souvent arrivé de chanter des duos ensemble, pour notre plus grand plaisir, parce qu’on se régale, que nous n’avons même pas besoin de répéter, on sait ce que l’autre va faire, quand il va respirer, où il va aller, les gestes qu’il s’apprête à faire… C’est une alchimie, l’un est à la place de l’autre, en fait. La tendresse que nous nous partageons dans la vie se traduit sur scène.

 

Bernard, mon ami si indispensable, s’il te plait, continue à m’appeler en riant de ta belle voix de baryton… mon troisième petit.



25/10/2015
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